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Le développement de l'âme

Alfred Percy Sinnett
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CHAPITRE XV :
LE SENTIER DE PROBATION (2/3)

Quelle est maintenant la nouvelle qualité (48) qui contribuera à former le caractère de l'aspirant ? Son but, ne l'oublions pas, est de s'unir aux êtres que leur stade d'évolution individuelle met à même de jouir, s'ils le jugent à propos, d'une existence de félicité parfaite, félicité qui ne saurait être comprise par des êtres d'un développement spirituel inférieur, mais qui exerce une si vive attraction sur ceux qui peuvent la pressentir. Lorsque ces grands êtres y renoncent, lorsqu'ils restent liés au plan d'existence physique par l'incarnation, ils ne sont mus par aucun motif personnel. Seul, le désir d'être utile à leurs semblables les inspire, à l'exclusion des avantages éventuels qu'ils en pourraient retirer. Aussi l'aspirant qui veut suivre leurs traces doit-il cultiver cette disposition d'esprit dont ils nous offrent l'exemple parfait, c'est-à-dire qu'il doit tendre à l'exaltation spirituelle, non pour la félicité qui l'accompagne, mais pour les occasions qu'elle lui fournira de collaborer au relèvement, en bloc, de la condition humaine. Mais, comme je l'ai déjà dit en parlant de la première des qualités requises, la « soumission au Soi supérieur », il serait bien exigeant de demander au simple aspirant de s'élever d'emblée à une condition morale aussi haute, c'est-à-dire que le désir seul d'être utile à ses semblables soit l'unique mobile de ses efforts dans la voie du progrès, et qu'il soit dépourvu de toute ambition spirituelle pour les félicités des plans supérieurs ; mais il doit, toutefois, en reconnaître le si noble mobile, et en faire l'application immédiate au problème de la vie. Il ne doit pas travailler avec l'idée d'assurer par là sa propre félicité spirituelle. En faisant le bien, il ne doit pas laisser luire en son imagination l'espoir d'une récompense future quelconque sur un autre plan d'existence. La plupart des gens vertueux font peut-être habituellement le bien sans se préoccuper de la récompense. Ils le font parce que c'est leur devoir et, en agissant ainsi, peut-être sont-ils plus près qu'ils ne le savent eux-mêmes de la voie conduisant à la véritable initiation. Mais, d'autre part, les éthiques de la civilisation occidentale, sanctionnées par les religions (quelles qu'elles soient) sont remplies de promesses relatives à la félicité spirituelle de la vie future. La donnée occulte, en exposant les motifs propres à déterminer l'aspirant à s'élever dans la hiérarchie de la Nature, nous propose un idéal plus élevé et y ajoute la connaissance des lois qui régissent cet avancement, et qui dérivent de l'unité de conscience existant sur certains plans élevés. Le profit de l'un est, en quelque sorte, le profit de tous, et l'avancement de tous est, en un certain sens, nécessaire au progrès d'un seul. Une compréhension exacte de cette idée prête à l'altruisme le caractère d'une force scientifique, et nous montre aussi qu'il ne devient une force que s'il procède réellement d'une vraie sympathie pour l'humanité.

      L'assimilation de ces idées, dans une mesure raisonnable, et des sentiments qu'elles éveillent, constitue la seconde qualité que l'aspirant doit s'efforcer de posséder. On l'a quelquefois décrite comme l'indifférence aux fruits des bonnes actions ; mais cette définition est sèche et peu expressive ; il vaudrait mieux dire: l'indifférence à la récompense personnelle constituant le fruit d'une bonne action ou encore, plus succinctement, le dévouement à l'idée abstraite du bien. La plupart de mes lecteurs trouveront sans doute cette vertu plus facile à pratiquer que l'indifférence aux objets et désirs terrestres ; mais c'est simplement parce que nous sommes, pour la plupart, pénétrés de l'idée que l'existence terrestre doit être suivie d'une autre ; la pratique du bien ici-bas nous assure par conséquent le bonheur là-haut. Il y a probablement des cas qui confirment l'inexactitude de cette théorie – surtout s'il s'agit d'un avenir assez lointain. Mais l'existence qui, pour la première fois, sera caractérisée par le dévouement au devoir sera, pour l'aspirant, le prélude d'une succession d'efforts et de sacrifices. Avant de pouvoir être qualifié, au point de vue occulte, comme ayant acquis ce dévouement au bien, il doit envisager cette éventualité avec un courage serein, et sans que son enthousiasme en puisse être refroidi.

      Poursuivons l'étude du développement intérieur qui précède l'initiation, et envisageons un groupe de six qualités, ou habitudes mentales (49), exigées de l'aspirant.

      La première est souvent appelée la discipline de la pensée. On la désigne aussi quelquefois comme la pureté de la pensée, ou le contrôle de la pensée. Il est certain que le contrôle absolu de la pensée ferait instantanément de l'homme un magicien ; d'autre part, une mentalité qui serait purifiée à ce point que nulle tendance mauvaise, basse ou impure ne saurait s'y glisser (même pour en être chassée aussitôt), mettrait la personnalité privilégiée presque en état d'entrer en Nirvana. Mais bien qu'il soit assez improbable qu'un simple aspirant puisse remplir entièrement cette condition, il ne peut cependant continuer ses progrès si sa pensée est indisciplinée et demeure le jouet des circonstances qui tourbillonnent autour d'elle. Le contrôle ou la discipline de la pensée est un travail énorme, qui, de plusieurs façons différentes, et pendant longtemps, exigera toute l'énergie de l'aspirant ; aussi doit-il l'entreprendre dès la période préparatoire, et commencer ainsi insensiblement cet entraînement de la volonté qui, dans l'intérêt de son avancement, est d'une si grande importance.

      La pensée est soumise à la volonté dans une proportion que la psychologie exotérique ne reconnaît pas toujours ; et, pour bien des raisons, l'aspirant à l'initiation doit être parfaitement maître de ses pensées avant de solliciter son admission dans une communauté où sa pensée peut devenir aussi manifeste à ceux qui l'entourent que la couleur du vêtement d'un homme est visible à nos yeux.

      En outre, le contrôle de la pensée chez l'aspirant est regardé, au point de vue occulte, comme le prélude à la seconde qualité de la série que nous étudions : le contrôle de la conduite. Quelques lecteurs trouveront peut-être que ces deux qualités sont énumérées en ordre inverse. Attendre, pour réformer ses actions, d'avoir modifié auparavant sa façon de penser pourrait s'appeler mettre la charrue devant les bœufs. En effet, s'il s'agissait, pour l'occultiste, de dominer les vices grossiers de la vie ordinaire, il devrait d'abord imposer un frein à ses actions avant de pouvoir sérieusement discipliner sa pensée à un degré suffisant pour éteindre en lui les passions qu'il faut réfréner. Mais l'aspirant déjà soumis à son Soi supérieur, déjà dévoué à l'idée du bien, tout éloigné qu'il soit de posséder à la perfection ces deux qualités, ne saurait cependant être classé dans la catégorie des hommes que dominent les passions grossières.

      Le contrôle de la conduite concerne pour lui des problèmes de la vie et des tentations d'un ordre plus subtil. Noblesse oblige. Lorsqu'un homme aspire aux initiations qui le mettront en rapport avec les Etres sublimes qui occupont le premier rang dans la hiérarchie occulte, sa conduite doit se montrer à la hauteur de ses aspirations. Il n'est plus ici question de déraciner des tendances vivaces ; la nature intime de l'aspirant doit être soumise à des influences d'un tel ordre que sa conduite se trouve non pas négativement, mais positivement en harmonie avec son idéal. Après les éclaircissements donnés sur ce point, on comprendra combien il est rationnel de commencer par le contrôle de la pensée, et de placer en second lieu celui de la conduite.

      La troisième qualité constitue une orientation nouvelle du sentiment envers les choses religieuses, et nous y trouvons différentes significations.
      Des émotions si profondes s'attachent encore aux rites et aux dogmes de la religion, alors même que la pureté de l'enseignement primitif a beaucoup dégénéré, qu'il est souvent douloureux, pour certaines natures, de séparer la vérité des incrustations mentales qui l'enveloppent.

      Il faut bien admettre que l'étudiant qui aspire à la connaissance des vérités profondes de la science occulte ne saurait s'embarrasser, jusqu'au bout, du fardeau des superstitions populaires qui accompagnent toute religion exotérique. Mais, d'autre part, la religion, qui éveilla en lui les premiers instincts de la dévotion, sut peut-être lui inspirer des pensées d'affection, de tendresse, auxquelles l'enseignement occulte répond à son tour par une tendre et profonde sympathie. La vraie Théosophie s'attache bien davantage à rechercher les vérités qui existent, sous diverses figures, dans toutes les grandes religions du monde qu'à en relever les quelques erreurs. Jusqu'à ce qu'il ait trouvé la vérité fondamentale en s'inspirant de la symbologie qui lui est familière, chaque étudiant sera dirigé par un instructeur qui lui apprendra correctement dans quel esprit les Grands Maîtres de Sagesse envisagent eux-mêmes la dévotion religieuse, et il sera encouragé à choisir sa propre voie. Mais il est clair que, par une culture spirituelle étendue, l'initié en science occulte arrivera peu à peu à considérer toutes les formes extérieures de la foi religieuse avec la même impartialité large et tolérante. Le Soi supérieur qui dirige le néophyte appartient par sa nature à des régions où la conscience s'élève bien au-dessus de tous les systèmes ecclésiastiques, tant européens qu'asiatiques. Sa personnalité elle-même, s'élevant proportionnellement, arrivera bientôt à partager ses conceptions. L'acquisition de cette tolérance presque sublime, qui est plus que l'antithèse de la persécution, constitue la troisième des qualités que nous étudions. C'est l'attitude mentale de l'homme qui ne s'attache qu'à l'essence de la vérité spirituelle, et dont l'esprit n'est plus enchaîné par les liens d'un dogme rigide et absolu. Il se peut que quelques-uns de ceux qui recherchent l'initiation occulte possèdent déjà cette qualité à un degré presque parfait. L'agnosticisme le plus outrancier peut, en effet, se concilier avec une tendance à bien accueillir un enseignement spirituel entouré de garanties suffisantes ; et, dans ce cas, le développement mental exigible au stade d'évolution en question ferait plutôt naître chez l'aspirant le respect des religions extérieures, en considération des vérités intérieures qu'elles expriment, mais ne l'inciterait pas à combattre une bigoterie dont il semble s'être affranchi. Par contre, certaines personnes demeurent attachées à la terminologie, aux vieilles formules religieuses, non seulement pour l'amour des vérités spirituelles qu'elles tâchent d'exprimer, mais aussi pour elles-mêmes et pour les mille liens d'associations qui s'y rattachent ; celles-là y trouveront plutôt un obstacle qu'une aide à leurs progrès. Aucun instructeur occultiste et autorisé n'a jamais sollicité un homme à l'esprit religieux d'abandonner la religion à laquelle il est attaché. Cet homme l'épurera lui-même en progressant, et se sentira de moins en moins l'esclave des formules extérieures du culte ou de la doctrine. Sa façon d'envisager cette conception plus haute de la religion donnera la mesure de ses progrès dans l'acquisition de cette troisième qualité que nous pourrions nommer la libération de la bigoterie – c'est-à-dire d'un attachement exagéré à une foi dogmatique quelconque, qu'elle soit originaire de l'Orient ou de l'Occident.

      La quatrième condition requise est un état d'âme qui rend l'homme incapable de tout ressentiment pour les torts ou les affronts qu'on lui inflige ici-bas. Cette qualité à l'état parfait serait de nos jours une vertu sublime, et je crois inutile de répéter que cet attribut divin ne peut être exigé de l'aspirant qui commence à peine son travail de préparation. D'autre part, rien ne serait plus incompatible à toute idée d'initiation que la tendance contraire. Il est, en effet, très concevable que les guides de l'humanité, qui nous montrent avant tout l'exemple de la compassion et du dévouement, ne sauraient faire bon accueil à des élèves, si bien doués soient-ils sous d'autres rapports, qui seraient capables du pire des égoïsmes – de la vengeance. Avant de confier aux mains d'un initié les pouvoirs que lui conférera la science occulte, on veut être assuré qu'il n'en fera pas l'instrument de ses vengeances personnelles ici-bas.

      Il s'étudiera donc, dès le commencement, à ne pas même éprouver de ressentiment et, en tout cas, à ne jamais y céder. Ce travail lui sera plus facile s'il a déjà développé, dans une certaine mesure, la première des qualités nécessaires. Car plus nos désirs tendent vers les véritables intérêts du Soi supérieur, plus ils se détachent des objets qui excitent d'ordinaire la convoitise des hommes ; et nous en devenons moins enclins à éprouver du ressentiment contre ceux qui nous ont supplantés sur ce terrain. Je ne m'arrêterai pas à développer cette idée comme thèse de morale, mais je crois pouvoir définir cette quatrième qualité d'une façon exacte et concise en l'appelant : l'Endurance.

      La cinquième qualité, comme la troisième, existe presque d'instinct chez certaines natures, tandis qu'elle est, chez d'autres, très difficile à développer. On nous dit qu'elle empêche le néophyte de se laisser détourner de sa voie par la tentation. Pour les êtres qui ont choisi la voie occulte et qui sont doués d'un tempérament ferme et résolu, les motifs qui les déterminèrent, une fois bien appréciés, ne perdent plus leur valeur. D'autres, au caractère plus enthousiastes, plus impulsifs, se laisseraient peut-être plus facilement détourner, sans avoir été, pour cela, moins sincères au début. Mais, quant à ceux qui ont déjà réalisé de sérieux progrès dans les tendances que nous venons de décrire, on peut au moins supposer que leur fidélité à ce but sublime arrivera, en se fortifiant, à constituer une qualité caractéristique, qui doit former un trait prédominant dans la nature intime de l'aspirant avant la fin de son stade préparatoire. Le mot « Constance » caractériserait assez bien ce genre de tendance.


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(48)  Deuxième qualité ou Vairâgya.

(49)  L'ensemble de ces six qualités ou vertus est souvent appelé Shatsampatti, et se décompose en Shama, Dama, Ouparati, Titiksha, Samadhânâ et Shraddhâ. N. D. T.




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